Martin Luther, célèbre théologien de la Renaissance, auteur de plus de 600 ouvrages, n’a pas fini de faire parler de lui. Sa pensée et son action ont donné naissance au protestantisme – et notamment à la tradition luthérienne, encore présente aujourd’hui. Après lui avoir consacré sa thèse de doctorat et écrit sa biographie, puis avoir étudié ses 95 thèses contre les indulgences, Matthieu Arnold, professeur d’Histoire du christianisme moderne et contemporain à la Faculté de théologie protestante, s’attaque maintenant à l’étude de ses cantiques et ses catéchismes.
17/09/2019
« Martin Luther a écrit une quarantaine de cantiques qui, cinq cents ans après, sont encore chantés – surtout dans les communautés de langue allemande – et deux catéchismes », explique Matthieu Arnold. Pour comprendre le contenu de ces textes et ce qui faisait l’originalité de la pensée de Martin Luther à son époque, le chercheur les replace dans leur contexte historique, les traduit et les commente.
A l’époque de Martin Luther, à la fin du Moyen Âge et au tout début de l’époque moderne, l’Eglise enseignait l’existence du purgatoire et l’importance d’expier ses péchés. « Ses contemporains étaient dans la peur du jugement après la mort », souligne Matthieu Arnold. Or Martin Luther, avec ses chants religieux, souhaitait transmettre un tout autre message : selon lui, « toutes les femmes et tous les hommes peuvent être sauvés par pure grâce, pourvu qu’ils aient confiance en Dieu ».
Se libérer de l’angoisse de la mort
Le théologien pensait qu’il n’était plus nécessaire de s’angoisser au sujet de l’ « après-mort ». Plus besoin de non plus multiplier les bonnes actions au cours de sa vie pour mériter d’aller au paradis ; ces bonnes actions découlaient du salut déjà reçu, dans la confiance (foi). « Martin Luther a permis de libérer les personnes de l’angoisse de la mort », précise le chercheur.
Pour mieux faire passer son message, Martin Luther utilise des musiques populaires auxquelles il ajoute son texte. « C’est un peu comme s’il avait adapté à des fins religieuses des tubes de l’époque », sourit Matthieu Arnold.
Des idées qui divisent l’Europe en deux
Outre les cantiques, Martin Luther a d’autres cordes à son arc : en 1529, il a également rédigé deux catéchismes. « Ce sont des écrits où, traditionnellement, on commente et on interprète les textes principaux de la foi chrétienne. » Par exemple, Luther donne une interprétation très rassurante du 2e article du Credo « Je crois en Jésus-Christ […] il viendra de là pour juger les vivants et les morts. » Il comprend ce passage comme une référence moins au Dieu justicier et vengeur qu’à celui qui libère les êtres humains du mal et de toute forme d’oppression. « C’est une pédagogie plus réconfortante que celle du Moyen Âge », précise l’enseignant-chercheur.
Ces idées nouvelles de Martin Luther ont, à son époque, divisé l’Europe en deux. « Une partie est devenue protestante, et l’autre, fidèle au Pape, est restée catholique », explique Matthieu Arnold. Une distinction présente encore aujourd’hui. Luther a également permis de démocratiser les langues vernaculaires (dans son cas précis, l’allemand), à une époque où le latin était encore très présent. « A travers ses idées, Martin Luther a accompagné le passage du Moyen Âge à la Renaissance », conclut Matthieu Arnold.
Vanessa Narbonne
Les 95 thèses de Martin Luther
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« La vie tout entière est pénitence… » Les 95 thèses de Martin Luther est un ouvrage récemment paru aux Presses universitaires de Strasbourg (PUS), sous la direction de Matthieu Arnold, Karsten Lehmkühler et Marc Vial. Il regroupe les actes du colloque organisé à l’Université de Strasbourg à l’occasion du 500ème anniversaire des célèbres 95 thèses de Martin Luther qui critique les indulgences de l’Eglise catholique. Les 18 auteurs ayant participé au colloque ont notamment présenté le contexte historique, interprété les 95 thèses et réfléchi à la manière dont elles pourraient être exprimées aujourd’hui.