Membre de groupes de métal où il jouait de la guitare durant son adolescence, Simon Théodore a décidé de faire de sa passion une thèse. Depuis deux ans, il étudie le métal viking en France et plus précisément la figure du Viking et la mythologie nordique dans le hard rock.
30/04/2018
Pas d’éclats sonores ni de guitare lorsque nous rencontrons Simon Théodore au département d’études scandinaves mais plutôt un étudiant en deuxième année de doctorat au look sage, passionné depuis son adolescence par la musique métal. Une passion devenue sujet d’étude à travers la lecture de magazines spécialisés, puis d’ouvrages universitaires.
« Il y a quelque chose qui mobilise énormément d’affect lorsqu’on écoute de la musique métal. C’est une musique et une culture qui demandent de l’investissement », résume le doctorant qui a choisi l’univers viking un peu par hasard au début de son master histoire et audiovisuel à la Sorbonne. « Je voulais travailler sur le Moyen Age dans la musique mais c’était trop large, c’est à ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à la culture nordique. » Pour son doctorat, Simon Théodore contacte des directeurs de thèse potentiels dans toute la France. « Thomas Mohnike, responsable du parcours nordique à Strasbourg, a répondu de manière très enthousiaste. Je n’étais pas du tout initié à l’histoire scandinave, je connaissais les Vikings plus via le cinéma. »
Critiquer la modernité, les religions monothéistes
Son sujet ? « Le Viking metal en France : une approche intermédiale de la réception de la figure du Viking et de la mythologie nordique dans le Hard Rock (fin XXe - début XXIe s.) » « Je travaille sur des groupes nord-européens qui utilisent la figure du Viking ou la mythologie nordique pour critiquer la modernité, les religions monothéistes : voir quelle figure ils montrent du Viking et comment la représentation est construite », raconte le doctorant qui s’intéresse à la fois à l’iconographie (pochettes d’album) et aux paroles.
Le jeune homme a dénombré environ 400 groupes pratiquant cette musique, une base à partir de laquelle il va devoir définir un corpus. « J’ai beaucoup d’intérêt pour les groupes véhiculés dans la presse musicale et spécialisée soit une centaine au total. La majorité sont scandinaves mais on en trouve aussi au Brésil, en France, au Etats-Unis… »
Des guerriers païens, sanguinaires, portés sur l’hydromel
Guerriers païens, sanguinaires, portés sur l’hydromel et prêts à égorger les chrétiens… Simon Théodore note à travers ses premières analyses, une vision stéréotypée qui entretient le mythe du Viking liée à une représentation romantique du Nord avec ses fjords enneigés et ses mers glacées. « Dans la majorité des groupes, on retrouve des accessoires types, la peinture sur le corps, la corne à boire… Il y a des adaptations d’épisodes de mythologie, d’histoires médiévales. Des discours à propos de la nature comme force inspiratrice ou hostile avec des textes souvent en anglais et une volonté de valoriser l’héritage national. »
Dans la réception de cette musique par les fans français, Simon Théodore observe que ces derniers s’intéressent peu au discours mais plus à l’aspect visuel. « C’est un moyen pour eux d’avoir accès à un imaginaire, un ailleurs. Il y a aussi une dimension politique à la base de la production, qui ne se retrouve pas forcément dans la réception par le public. Elle est en lien parfois avec des mouvances d’extrême droite. Cela pose aussi la question de savoir si l’artiste est à droite ou si c’est un moyen de provoquer ? » Des interrogations auxquelles le doctorant devrait répondre à travers la rédaction de sa thèse, prochaine étape sur la voie du métal viking.
Marion Riegert