Michael Langlois, dans les secrets des manuscrits de la Bible

11/06/2021

De l’étude des faux manuscrits de la mer Morte qui lui ont valu des menaces, aux écrits bibliques partiellement conservés des bibliothèques de Jérusalem, Michael Langlois, chercheur au sein de la Faculté de théologie protestante, revient sur une carrière bien remplie entre Israël et la France.

Rien ne prédestinait Michael Langlois aux sciences historiques. « J’ai commencé par étudier les mathématiques, l’informatique, la physique et la chimie jusqu’au master 1 », raconte le chercheur qui s’oriente ensuite vers des études de théologie protestante, avec un intérêt pour les textes fondateurs. « Ils sont la base de la théologie », souligne Michael Langlois qui s’intéresse plus particulièrement à la Bible.

Ses investigations se poursuivent à travers un troisième cycle d’études sur la philologie et les sciences historiques. S’ensuit une thèse à la Sorbonne sur une série de 12 manuscrits en araméen du 2e siècle avant notre ère, découverts au milieu du 20e siècle et conservés à Jérusalem. « Il s’agit du livre d’Hénoch, œuvre littéraire du judaïsme antique exclue de nos Bibles actuelles mais présente dans la Bible d’Ethiopie. »

Michael Langlois travaille à la publication d’une édition bilingue des manuscrits. « Le cinquième est en cours. » Un travail de longue haleine qui nécessite de comparer l’ouvrage avec plusieurs traductions postérieures en éthiopien et en grec ancien en raison de morceaux manquants. « J’ai vérifié si mes ajouts étaient justes en imitant l’écriture du scribe pour voir si ça collait avec la longueur de la lacune. »

Des textes divinatoires sur des poteries

Pour son habilitation à diriger des recherches, le chercheur s’intéresse cette fois au livre de Josué. Un récit de conquêtes militaires en hébreux de la Bible qui évoque des évènements de 1 200 avant notre ère mais dont le texte officiel n’est attesté qu’en 1 000 après J-C. « Que s’est-il passé entre temps ? », questionne Michael Langlois qui découvre des manuscrits plus anciens et notamment en hébreu du tournant de notre ère. « J’ai ainsi pu mettre en évidence que le livre de Josué dans l’antiquité n’avait pas encore la forme dans laquelle il nous est parvenu. Ce qui pose la question du processus éditorial de la Bible. Sachant qu’à l’époque il n’était pas encore décidé quels récits y figureraient. »

Quand il n’est pas dans les bibliothèques, le chercheur est sur des sites de fouilles en Israël. « En ce moment je travaille à la publication de textes retrouvés sur des céramiques lors de ma délégation CNRS au Centre de recherche français à Jérusalem, de 2018 à 2020. » Des débris de poteries du 2e siècle avant J-C utilisés comme support d’écriture car moins chers que du papyrus ou des parchemins. « Ce ne sont pas de grands textes littéraires mais ils sont préservés en quantité car plus solides. »

Soit une centaine d’inscriptions en hébreu et araméen, pour la plupart des textes comptables, mais aussi quelques correspondances militaires et même divinatoires. Le tout, dans un style ramassé avec une écriture très cursive, difficile à déchiffrer. « A l’époque, la composante religieuse était partout, même dans les formules de salutation. Ce travail permet de comprendre qui nous sommes à travers les siècles. Ce qui est frappant, c’est de se dire que l’on se pose encore les mêmes questions aujourd’hui. »

« Des affaires internationales louches »

Autre gros chantier : celui des faux manuscrits de la mère Morte. « Des manuscrits provenant de pillages arrivent sur les marchés des antiquités dont certains se retrouvent ensuite dans des musées, mais comment savoir s’ils sont authentiques ? », interroge le chercheur qui tente de développer des outils en collaboration avec un chimiste et un mathématicien.

Une recherche qui lui a valu des menaces. « J’ai été contacté par un collectionneur norvégien qui avait acquis des manuscrits. J’ai vu que c’était des faux provenant d’un antiquaire de Bethléem. L’affaire a pris de l’ampleur, un homme d’affaires en lien avec l’antiquaire nous a contacté pour nous demander de nous taire. J’ai reçu des menaces. Si on m’avait dit quand j’ai commencé ma carrière qu’en travaillant sur des manuscrits anciens, je me retrouverai dans des affaires internationales louches… », sourit le chercheur qui a également pu côtoyer Jean-Michel Blanquer et Emmanuel Macron lors de leur visite à Jérusalem en janvier 2020.

Marion Riegert

Le livre d’Hénoch

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L’ouvrage en douze volumes s’étend de la création du monde à la fin des temps. « Le personnage d’Hénoch, arrière-grand-père de Noé, reçoit des informations secrètes : qui a créé l’univers et ce qui va se passer à la fin des temps. » L’occasion de découvrir que lors de la création des humains et des anges par Dieu, une partie des anges se sont rebellés. « C’est le mythe des anges déchus. Ils ont convoité une femme et ont voulu descendre sur terre pour s’unir à elle. De leur union sont nés des géants qui détruisent la planète. Raison pour laquelle Dieu envoie le déluge. »

Le chercheur montre notamment que les noms des anges déchus sont inspirés de noms de divinités du Proche-Orient ancien. Des noms qui se retrouvent également dans la mythologie grecque. Dans la Bible qui court sur dix générations d’Adam à Noé, il est fait vaguement allusion à cet épisode, qui se situe trois générations avant Noé, lors de la mention du déluge. « Cela signifie que l’auteur de la Genèse s’adresse à des gens qui savent déjà, il ne donne donc pas de détails envoyant à d’autres traditions écrites. »

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