Michèle Finck, membre du laboratoire Configurations littéraires a reçu le 5 mars dernier le prix Max Jacob au Centre national du livre à Paris pour son recueil Connaissance par les larmes. Elle revient sur le rapport entre son travail de poète et celui d’enseignant-chercheur, « un mouvement à trois » dans lequel elle fait dialoguer les arts.
27/03/2018
Dès l’enfance, Michèle Finck baigne dans la musique à travers l’apprentissage du piano. L’écriture vient peu de temps après avec la rédaction de contes inspirés de l’univers germanique puis de poèmes. Guidée par cette envie d’écrire la jeune femme d’alors décide de s’orienter vers le monde de la recherche et passe en 1981 les concours de l’ENS à Paris avant de réaliser une thèse sur Yves Bonnefoy.
Poésie, musique, peinture, danse, cinéma… ses recherches en littérature comparée s’intéressent à l’entremêlement de ces différentes disciplines du 19e au 21e siècle. « A partir de la crise de la modernité en Europe avec la parution des Fleurs du mal en 1857, tout bouge. J’aime ce moment de remise en question de toutes les valeurs jusqu’au langage même », détaille la chercheuse qui a une prédilection pour le vers libre.
« Des énergies qui circulent »
Poèmes mis en peinture dans des livres d’artiste ou en vidéo, publications dans des revues, scénarios pour le cinéma et même plus récemment opéra inspiré de ses écrits… ce dialogue se retrouve également dans son travail d’écrivain. « Il y a des énergies qui circulent entre la recherche et l’écriture, des moments où les deux sont proches, d’autres où ils sont différents. J’ai compris l’importance du dialogue avec les arts dans mon travail de poésie avant de m’y intéresser pour mes recherches. » Inversement, les lectures effectuées dans le cadre de ses recherches inspirent son écriture. « Souvent, je pense à la formule de Gracq : « en lisant, en écrivant »».
Son dernier recueil « Connaissance par les larmes » récompensé par le prix de poésie Max Jacob se situe à l’intersection entre ces deux disciplines. De manière plus visible, dans trois sections dédiées aux œuvres musicales, aux tableaux, ou encore aux films où apparaissent les larmes. « Même si ce n’est pas sous forme de critique de texte mais de poème dédié », précise la chercheuse citant Baudelaire : « La meilleure explication de texte d’un tableau c’est peut-être un poème. »
Un processus de création différent
Pour Michèle Finck, naviguer entre les deux mondes n’est pas toujours un avantage. « C’est une aide intérieure mais deux mondes très différents. On peut le reprocher. La plupart des poètes ne sont pas chercheurs, ils ont une expérience plus brute, plus sur le quotidien. » Le processus de création, lui-aussi diffère : « Ce qui me vient le plus spontanément, c’est le poème. Ce n’est pas le même état d’esprit : l’écriture poétique demande un effort de disponibilité, d’ouverture. »
Côté inspiration, « une exposition peut faire naitre autant un article qu’un poème », souligne la chercheuse qui apprécie les paysages marins mais aussi parfois de simples échanges avec les étudiants. « Ce sont des vases communicants, j’aime savoir comment les étudiants réagissent par rapport à un texte, c’est très inspirant. Parfois, il y a un poème qui me vient pendant un cours, j’essaye de le retenir jusqu’à la fin », sourit Michèle Finck qui garde toujours un carnet à portée de plume. Son travail d’écriture fait en ce moment l’objet d’une thèse sur le désir et l’écoute. « Cela fait partie du mouvement, tout ça se continue... »
Marion Riegert