Lundi 2 octobre, le comité Nobel a récompensé trois américains, Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael W. Young, pour avoir découvert les mécanismes moléculaires sous-tendant notre horloge circadienne, celle qui règle nos fonctions biologiques sur un cycle d’environ 24 heures. A Strasbourg, nombreux sont les chercheurs à s’en réjouir. Et pour cause ! Le site alsacien n'est pas en reste dans ce domaine.
06/10/2017
« J’ai été très heureux de voir ce prix Nobel de physiologie et médecine décerné à trois chercheurs travaillant sur les rythmes biologiques. C’est une vraie reconnaissance pour une thématique de recherche qui, pendant longtemps, n’a pas été très considérée », se félicite Paul Pévet, (Professeur conventionné a l’Université de Strasbourg, DR CNRS émérite) spécialiste de la neurobiologie des rythmes et président de Neurex, réseau trinational dans le domaine des neurosciences. Une joie partagée par tous les chercheurs strasbourgeois qui travaillent sur cet axe de recherche. Et ils sont nombreux. Quatre équipes de l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (CNRS-Université de Strasbourg) se consacrent directement à l'étude des rythmes biologiques tandis que cinq autres, dans divers laboratoires strasbourgeois, intègrent la notion de rythmes biologiques dans leurs problématiques.
Des structures innovantes
Cela ne doit rien au hasard. « Depuis de nombreuses années, l’étude des rythmes biologiques fait partie des axes prioritaires du réseau Neurex », explique Paul Pévet. En l’espace de vingt ans, les trois universités du réseau (Strasbourg, Fribourg et Bâle) se sont dotées de plateformes expérimentales uniques au niveau européen. Grâce aux efforts conjugués de l'université, du CNRS et des Hôpitaux universitaires, Strasbourg héberge ainsi deux équipements exceptionnels : le Chronobiotron et le Circsom. Le premier a été construit spécifiquement pour l’étude des rythmes biologiques chez les animaux. « On peut jouer sur la lumière, la température, reproduire l’aube ou le crépuscule et comprendre leur influence sur les fonctions biologiques », indique le chercheur. Le Circsom, quant à lui, permet d’analyser le rythme du sommeil et ses troubles grâce à plusieurs chambres expérimentales. A Fribourg, d’autres chambres permettent d’étudier les relations entre sommeil et maladies psychiatriques tandis qu’à Bâle, le Centre de chronobiologie étudie les liens entre troubles des rythmes biologiques et dépression.
Sur un cycle d'une journée, l'horloge circadienne influence beaucoup d'aspects de notre physiologie comme le sommeil, le comportement alimentaire, la température corporelle ou encore la pression sanguine. © The Nobel Committee for Physiology or Medicine. Illustrator: Mattias Karlén
Une science qui avance
« Grâce à la complémentarité qu’offre le réseau Neurex, on couvre – dans le cadre plus large des neurosciences – tous les aspects de cette discipline et ce, de manière translationnelle, de la molécule au lit du malade », résume Paul Pévet. Plusieurs avancées ont ainsi été réalisées à Strasbourg. Des chercheurs ont mis en évidence le rôle fondamental des hormones thyroïdiennes dans la régulation par la mélatonine des rythmes saisonniers (influencés par les variations de la durée du jour), les relations entre les maladies métaboliques tel le diabète et les perturbations du cycle veille-sommeil, sans oublier le rôle des horloges dans le bon fonctionnement de la rétine, entre autres exemples.
« Beaucoup de perturbations biologiques peuvent dériver de troubles de ces rythmes, souligne Paul Pévet. On commence à comprendre les mécanismes en jeu, mais accumuler les preuves expérimentales est un processus long. » Le Nobel tombe donc à point nommé. « J’espère que cette reconnaissance donnera de la visibilité à cette thématique et facilitera l’obtention de financements par des instances françaises ou européennes et même par le monde industriel. »
Ronan Rousseau