Nouvelle édition des tableaux de Mendeleïev et des isotopes, l’œuvre d’une vie

25/10/2021

Mariasusai Antony est décédé en 2020, quelques jours après avoir achevé son tableau des isotopes à 90 ans. L’œuvre d’une vie pour ce chercheur de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules de Strasbourg (IN2P3) qui a également travaillé à un nouveau tableau de Mendeleïev publié en 2019. Une évocation de ses travaux a été effectuée lors des 50 ans de l’IN2P3 en octobre. Retour sur une carrière d’exception avec son fils, Pierre Antony, ingénieur CNRS à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire.

« Il avait la « baraka » », sourit d’emblée Pierre Antony qui rappelle que son père est né dans un bidonville de Bangalore en Inde en 1929. Après un diplôme d’ingénieur, mais aussi des licences de littérature anglaise, de Tamoul et d’astronomie, il devient un des plus jeunes professeurs de mathématiques en Inde.

En 1960, le jeune homme s’envole pour l’Europe. En Allemagne d’abord où il officie dans une fabrique d’acier avant de poser ses valises à Lyon où il réalise un doctorat en physique des particules, en apprenant le français sur le tas. En 1967, Mariasusai Antony rejoint Strasbourg et obtient la nationalité française un an plus tard.

Il travaille sur le campus de l’Esplanade d’abord, puis à l’IN2P3 de Cronenbourg. Il y réalise sa thèse d’état en 1986, équivalent de l’actuelle habilitation à diriger des recherches, sur la physique nucléaire et corpusculaire. En 1994, il est nommé pour représenter la France à l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne comme spécialiste de la radioactivité. En 2003, il devient Chevalier de l’Ordre National du Mérite pour « ses réussites scientifiques et ses valeurs humaines exceptionnelles. »

« Ces tableaux nous parlent de la vie, de nos origines »

Mariasusai Antony consacre les dernières années de sa vie à la finalisation de son édition des tableaux de Mendeleïev et des isotopes. « Il avait une retraite virtuelle… A 89 ans, il travaillait encore 8, 10h par jour même les week-end et avait la joie d’avoir toujours accès au locaux de son laboratoire. Ces tableaux, à notre connaissance les plus complets au monde, nous parlent de la vie, de nos origines, avec des applications en médecine, biologie, chimie, ou en astrophysique… des disciplines qui passionnaient mon père », souligne Pierre Antony.

Origine du nom, configuration électronique, masse, point d’ébullition, auteur et date de la découverte de l’élément… En se basant sur le modèle de l’Union internationale de chimie pure et appliquée, Mariasusai Antony a complété et précisé les différents éléments du tableau de Mendeleïev d’abord. On apprend ainsi que le polonium a été découvert par Marie-Curie en 1898. Cette recherche, débutée dans les années 80, est éditée en 2019 pour le 150e anniversaire du tableau.

Jusqu’à la dernière seconde

Son travail sur le tableau des isotopes, des noyaux atomiques ayant un même nombre de protons, débute pour sa part en 1989. Sa dernière version, plus à destination de la communauté universitaire, recense 4 612 nucléides et 3 299 isotopes. « Un travail de passion et de rigueur qu’il a mené jusqu’à la dernière seconde », glisse son fils qui précise que son père a terminé le tableau le 18 mars 2020, est entré à l’hôpital le 20, avant de décéder de la Covid-19 le 1er avril.

Des réalisations qui n’auraient pas vu le jour sans le soutien absolu de son épouse, mais aussi la contribution essentielle de ses collègues du CNRS. « Avec comme but de mettre la science au service de la société et de celles et ceux qui souffrent. » Ainsi, les fonds récoltés depuis plus de 30 ans par la vente de ses tableaux sont entièrement reversés pour aider la recherche médicale.

« Mon père parlait de la beauté de la science. Il était caractérisé par sa curiosité, son envie de transmettre, sa rigueur scientifique, mais il y avait surtout beaucoup de respect, de dépassement de soi, d’humilité et d’amour dans tout ce qu’il a accompli », conclut Pierre Antony qui souhaite diffuser ses œuvres et sa philosophie. Reste à poursuivre l’actualisation de ses tableaux, avis aux amateurs…

Marion Riegert

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