A l’occasion du colloque consacré à la promotion de la science chez les femmes et à la
diffusion des savoirs, du 3 au 10 novembre à Strasbourg, trois femmes reviennent sur leur parcours au sein de filières de sciences dites « dures ».
05/11/2020
« J’ai toujours adoré ce qui relève de la logique et des mathématiques », se souvient Nadia Bahlouli, responsable de l’équipe Matériaux multi-échelle et biomécanique (MMB) au sein du laboratoire ICube. Au collège, c’est un professeur de mathématiques qui détecte son potentiel et lui donne le coup de pouce décisif.
Une fois lancée, elle ne s’arrête plus jusqu’à sa thèse sur les comportements des matériaux composites des satellites géostationnaires. « Dans mes promotions, il y a toujours eu à peu près 10% de filles et à l’arrivée, il y a 6% de femmes professeurs de mécanique en France », poursuit la chercheuse qui adhère à l’association Femmes et science il y a deux ans, pour « montrer aux filles que c’est rigolo de faire des sciences, d’expérimenter. »
Plus que 10% de femmes en fin de master
Même constat pour Douja Darej, doctorante en physique des particules à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien. Alors qu’elle estime à la moitié le nombre de femmes lorsqu’elle débute sa licence en physique-chimie, elles ne sont plus que 10% en fin de master. Pourtant, aucune des deux femmes ne garde le souvenir de comportements discriminants au cours de leurs études.
« J’ai l’impression que les professeurs s’intéressent seulement aux qualités scientifiques pures des individus, pas à leur genre ou à quoi ils ressemblent », souligne Douja Darej. Pour la doctorante, le problème vient peut-être d’un manque de représentation des carrières scientifiques. « Lorsque j’étais au lycée, je n’avais aucune idée de ce qu’il était possible de faire au bout d’un cursus en physique. Les hommes vont naturellement vers ce genre de matières, mais pour les jeunes femmes, c’est très difficile de se projeter. » Juste après une intervention dans le cadre de Journée internationale des droits des femmes, la doctorante se souvient de jeunes filles venues la remercier. « Elles voyaient que c’était possible, que ça mène quelque part de poursuivre en science. »
Enfants versus publications
Raquel Mela Lopez, post-doctorante au laboratoire Réponses immunitaires et développement chez les insectes (Inserm/Université de Strasbourg/CNRS) a suivi un cursus en biologie, une matière plus populaire chez les étudiantes. C’est à partir du doctorat qu’elle voit le nombre de femmes diminuer, particulièrement pour les postes à responsabilité. « J’ai toujours travaillé dans des structures dirigées par des femmes, ce qui fait de moi une exception », s’amuse la jeune chercheuse. « Après la thèse, la question de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle est ce qui ralentit la carrière de beaucoup de femmes. »
Nadia Bahlouli, qui a fait le choix d’avoir des enfants, abonde : « Quand on est évalué pour obtenir notre habilitation à diriger des recherches, par exemple, il y a un certain nombre de publications exigé, une certaine implication, et le temps consacré à ses enfants n’est pas pris en compte. » Pour la chercheuse, c’est une des causes du ralentissement des carrières d’un certain nombre de femmes. « Les progrès concernant le congé paternité vont aider à égaliser les choses », espère-t-elle.
« Il y a une grande pression mise sur les femmes, autour de la vie de famille », ajoute Raquel Mela Lopez. « Même si je comprends très bien toutes ces raisons, je ne les trouve pas suffisantes pour détourner les femmes des carrières dans la recherche », réplique Douja Darej. La doctorante termine sur une note positive : des études ont montré que les femmes ont une manière particulière d’aborder certains problèmes scientifiques. « La science a besoin de certaines qualités, dites « féminines », et il y a tout à gagner à une plus grande mixité. »
Léa Fizzala
Retrouvez le programme complet du colloque dans l'Actu. (suivre le lien)