Durant 9 mois, Takoi Touiti, doctorante au sein du laboratoire Humans and management in society, a silloné les grandes et moyennes surfaces françaises afin d’observer les stratégies d’implantation des produits de terroir. Ses résultats ont fait l’objet d’une publication co-écrite avec Sihem Dekhili, sa directrice de thèse, dans le numéro 2 de la revue Classiques Garnier 2017 consacré aux Systèmes alimentaires.
07/03/2018
« Avec la crise alimentaire et les scandales sanitaires, les consommateurs se sont tournés vers les produits de terroir et la production locale », explique Takoi Touiti. Problème, si la demande concernant ces produits est croissante, leur mise en valeur et leur accessibilité dans les grandes et moyennes surfaces s’avère compliquée avec une grande diversité d’offres et plus de 1 000 marques à valoriser.
Hypermarchés, supermarchés et magasins de proximité, pour son enquête, Takoi Touiti a écumé les professionnels de la grande distribution partout en France. « Je suis allée à Paris, Strasbourg, Nice, Saint-Etienne, Metz, Joinville et Troyes afin d’observer l’implantation des produits de terroir en magasin et leur agencement », raconte la doctorante qui a réalisé 17 entretiens au total avec des professionnels. « Pour chacun, je leur ai demandé la stratégie utilisée, les objectifs et les contraintes. »
Trois sortes d’implantation
Durant ses investigations, Takoi Touiti distingue trois types de stratégies d’implantation : soit les enseignes utilisent un emplacement dédié, soit elles placent les produits dans la catégorie d’appartenance, stratégie la plus utilisée, ou les grandes surfaces utilisent la double implantation. « Pour les produits régionaux, je me suis rendu compte qu’il y avait un espace spécifique dans les enseignes situées dans des régions à forte identité culturelle car ce sont des produits recherchés par les touristes. C’est le cas dans la plupart des magasins alsaciens ».
La doctorante note également que le choix de la stratégie d’implantation de ces produits est lié à d’autres contraintes comme celle de la taille de l’enseigne. « Pour les supermarchés et les magasins de proximité, la surface est limitée. Dans les hypermarchés on est plus sur un problème de visibilité et d’accessibilité. » Autre problème : celui de la rotation des produits dans les régions ayant une faible identité culturelle entrainant une certaine difficulté à créer un élément dédié. Sans oublier la gestion du stock plus compliquée en cas de double implantation.
La théâtralisation pour attirer le consommateur
Partant de ces observations, pour chaque formule de distribution, Takoi Touiti propose des pistes d’action. Par exemple, l’utilisation d’une gamme large pour rendre les produits plus visibles ou la théâtralisation de l’élément dédié pour attirer le consommateur. « J’ai également suggéré un balisage spécifique. L’essentiel est de travailler en collaboration avec les fournisseurs qui proposent des équipements mobiliers pour leurs produits », constate la doctorante.
Après cette première enquête, la doctorante s’est intéressée au volet consommateur. Pour ce faire, elle est allée dans un magasin de proximité essayer différentes stratégies d’implantation et tester les réactions des clients à l’aide d’un questionnaire. « Il en ressort que l’implantation dans un élément dédié ou la double implantation sont appréciées car les produits sont visibles et accessibles. Alors que pour les enseignes, le plus simple est de placer le produit dans sa famille d’origine. » Ces résultats feront l’objet d’une nouvelle publication fin mai.
Marion Riegert
Définition du produit de terroir
Good to know
Pâtes, produits frais, épicerie salée et sucrée… Même si la définition n’est pas claire, des traits communs permettent de distinguer les produits de terroir : ce sont des produits commercialisés à l’échelle nationale, certifiés d’appellation d’origine protégée ou contrôlée pour la plupart. Ils sont liés à un lieu géographique avec un savoir-faire, un goût et une qualité. « Souvent, les professionnels les définissent comme des produits régionaux ou locaux. Cependant, un produit régional n’est un produit de terroir que s’il répond au facteur naturel et environnemental. C’est le cas des pâtes Grand’Mère, un produit régional connu en Alsace et de terroir car il est commercialisé partout en France. »