Quand le synthétique s’approche du vivant

30/08/2017

Des chercheurs de l’Isis ont mis au point une technique pour maintenir indéfiniment des polymères artificiels hors de leur équilibre thermodynamique, dans un état similaire à celui des êtres vivants. Ce résultat, publié dans la revue Nature communications en juin 2017, ouvre la voie à des systèmes synthétiques capables de tâches complexes.

Les organismes vivants fonctionnent loin de leur équilibre thermodynamique. Et pour cause ! S’ils se laissaient dériver vers cet état, plus rien ou presque ne se passerait : la vie ne serait tout simplement plus. Comment évitent-ils d’en arriver là ? En consommant une source d’énergie – qu’ils dissipent pour se maintenir dans un état hors-équilibre – et en évacuant continuellement les déchets qu’ils produisent.

Inspirés par le mode de fonctionnement d’une cellule biologique, des chercheurs de l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis) ont mis au point une technique novatrice pour maintenir indéfiniment des systèmes synthétiques hors de leur état d’équilibre. Ils ont confiné des polymères artificiels capables de s’auto-assembler dans un réacteur façonné par impression 3D. Pas totalement hermétique, ce compartiment se comporte comme une membrane cellulaire sélective : il laisse entrer le carburant chimique, permet aux déchets d’être évacués, mais retient polymères et enzymes déposés par les chercheurs.  

« Grâce à cette nouvelle approche, nos polymères peuvent s’assembler et se désassembler à l’infini, tant que de l’énergie est apportée », explique Thomas Hermans, directeur du Laboratoire des systèmes complexes hors-équilibre et co-auteur de l’étude. Une première ! Jusqu’à présent, aucun chimiste n’était parvenu à maintenir des auto-assemblages dans cet état au-delà d’un temps limité. La faute, notamment, à l’effet inhibiteur d’une accumulation de déchets.

Vers des systèmes plus vivants

Les fibres supramoléculaires que développe l’équipe de l’Isis s’inspirent directement des microtubules des cellules, ces filaments microscopiques capables de croître et rétrécir rapidement.  « On essaye de créer des polymères reproduisant ce type de comportement. Le fait de pouvoir les maintenir hors de leur équilibre thermodynamique constitue une première étape. »

L’originalité de leurs fibres synthétiques auto-assemblantes tient à ce qu’elles fonctionnent à l’ATP, la molécule universellement utilisée par le vivant comme source d’énergie chimique. « Votre corps est plein d’ATP. Donc, en principe, si on y introduisait notre système, il pourrait être alimenté par votre organisme lui-même, imagine Thomas Hermans. Si l’on parvenait à créer un système biocompatible, on pourrait commencer à utiliser nos polymères à l’intérieur des cellules pour soutenir des processus biologiques. » Le chercheur le concède, cet horizon est encore très lointain. « Nous venons toutefois de mettre au point une approche efficace pour contrôler des états de non-équilibre, souligne-t-il. C’est un progrès important et un premier pas vers des systèmes supramoléculaires synthétiques plus "vivants" capables d’effectuer des tâches complexes. » L’histoire ne fait donc que commencer.

Ronan Rousseau

Effet papillon

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Si les chimistes déploient autant d’efforts pour pousser leurs systèmes synthétiques hors de leur équilibre thermodynamique, c’est aussi dans l’espoir de voir émerger de nouvelles propriétés.

« Plus vous vous éloignez de cet état, plus vous pouvez vous attendre à voir surgir des propriétés intéressantes, révèle Thomas Hermans. Par exemple, loin de l’équilibre thermodynamique, une petite perturbation peut entrainer un effet exponentiel… »

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