Le colloque « Des marches et des routes, démarches et déroutes. De la marche dans les arts du spectacle » s’est tenu à Strasbourg du 19 au 21 octobre. Trois jours d’exposés et d’ateliers qui sont venus clôturer une année de réflexion artistique autour de cette pratique universelle qu’est la marche.
13/11/2020
Un tapis rouge aux textures inégales et plusieurs cabines d’essayage de chaussures attendent les visiteurs dans le hall de la Maison interuniversitaire des sciences de l'Homme Alsace (Misha). En place du 19 au 23 octobre, l’installation est le fruit d’une carte blanche laissée par le Service universitaire d’action culturelle (Suac) à Léa Broussard et Elsa Markou, jeunes diplômées de la Haute école des arts du Rhin, pour explorer leur vision de la marche et inviter les passants à interroger leur manière de s’ancrer au sol.
« Il y a un paradoxe très intéressant, dans la marche. C’est une activité qui peut être perçue comme banale et, pourtant, elle peut avoir une véritable portée symbolique », explique Guillaume Sintès, maître de conférences en danse et co-organisateur du colloque avec Sylvain Diaz, maître de conférences en études théâtrales, tous deux chercheurs au sein du laboratoire Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistique (ACCRA). « Nous voulions faire écho à la résidence de Mathilde Monnier, « Déroutes chorégraphiques » et permettre une réflexion globale d’artistes et de chercheurs sur cette thématique », poursuit Guillaume Sintès.
« Comme nous participions à un colloque sur la marche, il ne semblait pas tout à fait logique de rester assis pendant trois jours. Nous avons préféré donner au colloque une forme hybride et, en plus des conférences classiques, chaque matin nous participions à des ateliers pratiques animés en partenariat avec le Maillon », raconte le chercheur.
De la marche comme expérience à la marche militante
Parmi les interventions qui l’ont le plus marqué, celle de Umut Ungan (enseignant à l’Université Rennes 2) sur l’artiste Abraham Poincheval, qui a parcouru 170 kilomètres en Bretagne avec une armure médiévale de 34 kilos pour sa performance « Le chevalier errant ». « L’artiste voulait ressentir cette expérience de marche contrainte et expérimenter au présent un objet qu’on ne trouve plus que dans les musées », explique Guillaume Sintès.
Plus engagée, l’intervention de Célia Jésupret, doctorante à l’Université Lyon 2 et artiste franco-chilienne, reflète un autre aspect de la marche, lorsqu’elle se veut revendicatrice. Célia Jésupret est revenue sur les mouvements de femmes de Santiago du Chili, il y a tout juste un an, pour protester contre la violence étatique. Ces manifestations sous forme de flash-mobs avaient peu à peu muté en une expression artistique qui a eu un impact très fort sur la politique chilienne.
Politique, dans le cadre de manifestations, artistique dans ses chorégraphies ou synonyme de voyage, la marche a inspiré des chercheurs dans de nombreuses autres disciplines, comme le cinéma, la danse, la performance ou encore la littérature. « C’était notre dernier temps fort ouvert vers le grand public, nous sommes heureux qu’il ait pu avoir lieu », conclut Guillaume Sintès. Des actes du colloque enrichis sont prévus pour une publication à la fin de l’année 2021.
Léa Fizzala