[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : psychologie. En avril-mai 2020, suite à la pandémie de Covid-19, le service de réanimation du Nouvel hôpital civil de Strasbourg a dû limiter les visites. Pour maintenir le lien, une personne de référence est désignée par famille. Dans le cadre d’une étude, Olivier Putois, maître de conférences en psychopathologie clinique et psychanalyse au sein du laboratoire Subjectivité, lien social et modernité (Sulisom) s'intéresse à leur ressenti.
19/04/2021
Le service de réanimation médicale du Nouvel hôpital civil est connu pour l’attention portée au maintien du lien entre familles et patients hospitalisés quelles que soient les circonstances. Ouvert 24 heures sur 24, il a vu ses habitudes totalement modifiées par le premier confinement, en avril-mai 2020. « Les familles ne pouvaient plus venir dans le service alors que sa force tient au maintien du relationnel. Celui-ci a des effets thérapeutiques : en se rendant sur place, la famille contient son sentiment d’impuissance, a le sentiment de pouvoir faire quelque chose », explique Olivier Putois, qui entre en contact avec Julie Helms, professeur des universités-praticien hospitalier au sein du service.
Pour maintenir le lien et donner des nouvelles, cette dernière met en place avec son équipe un appel téléphonique journalier aux familles. Chacune désigne une personne de référence (PR), soit 90 au total. « Cette désignation, nécessaire, a concentré sur cette personne différentes attentes découlant de sa position d’intermédiaire entre service et reste de la famille. Nous souhaitions explorer le vécu propre à cette place d’intermédiaire », poursuit le chercheur-clinicien qui se rend sur place avec Sara Castellano, une psychologue clinicienne jeune diplômée, et Jean Audusseau, maitre de conférences en psychologie du développement.
Nourrir les compétences non spécifiques des médecins
« Nous avons mis en place une méthodologie mixte, à la fois quantitative et qualitative pour examiner cette expérience, ce que les PR ressentaient et comment elles faisaient face. » Un tiers des personnes accepte de répondre, des entretiens d’une trentaine de minutes sont réalisés.
Les réponses sont assez contrastées, en fonction aussi des situations. « La majorité met en avant la difficulté associée à cette responsabilité spéciale, qui peut mener à mettre de côté son propre ressenti. « A un moment, c’était tellement difficile que je ne pouvais que correspondre par SMS », raconte par exemple l’une d’elles. Un quart trouve l’expérience valorisante : « Ils ont le sentiment de contrôler une partie de ce qui se passe, ce qui contribue à atténuer la dimension traumatique de la situation. »
L’article, publié dans le Journal of Intensive Care, vise à alimenter les protocoles d’accompagnement des personnes de référence. « Le but est de diffuser les spécificités des effets psychologiques de l’expérience, quand tout est à distance, afin de nourrir les compétences non spécifiques des soignants, les aider à se représenter ce qui se joue pour l’autre. » L’étude s’inscrit plus généralement dans une démarche de collaboration interdisciplinaire entre médecine et psychologie clinique d’orientation psychanalytique.
Marion Riegert
- Pour en savoir plus sur les recherches d'Olivier Putois, lire aussi "Comment la psychologie clinique aide la bioéthique" et "Forum de la bioéthique, l'édition 2020".
Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19
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Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.