Sida : vers des stratégies de guérison ?

02/12/2016

Isolé pour la première fois en 1983, le virus responsable du Sida continue de défier les scientifiques. Si les traitements ont progressé et considérablement amélioré la qualité de vie des patients, la maladie reste à ce jour incurable. A Strasbourg, des chercheurs développent des stratégies pour guérir les patients et leur permettre de vivre sans traitement toute leur vie.  

Le VIH est sournois. Il profite du désir pour s’immiscer dans les corps. Mais il est également prévoyant. Aussitôt qu’il pénètre dans l’organisme, il s’assure d’y rester pour toujours. « Une des caractéristiques du VIH, est de former, dans les semaines qui suivent l’infection, des réservoirs viraux qui perdurent tout au long de la vie des patients », explique Olivier Rohr, professeur à l’IUT Louis Pasteur (Unistra) et directeur du laboratoire « Dynamiques des interactions hôte-pathogènes ». Une fois infectées par le VIH, la grande majorité des cellules se mettent à produire d’innombrables copies du virus puis meurent. Mais dans certains cas, le virus intègre son génome à celui de la cellule-hôte sans pour autant s’exprimer. « Ces cellules infectées dites réservoirs sont situées un peu partout dans l’organisme. On en trouve dans le sang mais aussi au niveau du tractus intestinal, du système nerveux central et dans les organes profonds, indique Olivier Rohr. Elles ont toutes en commun d’avoir une espérance de vie très longue. On ne peut donc pas compter sur le fait que ces réservoirs disparaissent avec l’âge. »

Le VIH, ce cheval de Troie 

Ainsi dissimulé, le virus plonge dans un état latent et reste hors d’atteinte des molécules thérapeutiques. Cette tactique du cheval de Troie constitue un véritable obstacle à la guérison des patients. « Grâce aux trithérapies, on peut maintenir le taux de virus circulant dans le sang à des niveaux très bas voire même indétectables. Mais dès que l’on cesse les traitements, on observe une résurgence très rapide du VIH : le virus caché dans les réservoirs sort de sa torpeur et réinfecte l’organisme. »

Détruire les réservoirs

Depuis une quinzaine d’année, Olivier Rohr et son équipe s’attachent à comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires à l’origine de la formation et de la persistance des réservoirs viraux. L’équipe a déjà identifié plusieurs enzymes que le VIH exploite pour entrer en latence et s’y maintenir. Leur objectif ? Modifier leur activité pour forcer le virus du sida à quitter sa torpeur et à s’exposer aux agents médicamenteux des trithérapies. « Pour gagner en spécificité et limiter les éventuels effets secondaires, on cherche à obtenir une synergie d’action en exerçant un effet modéré sur un ensemble d’enzymes plutôt que de traiter en ciblant une seule enzyme avec de fortes concentrations de molécules », fait valoir Olivier Rohr.

Bientôt des tests cliniques ?

Ex vivo (sur du sang de patients infectés et sous trithérapie), les résultats obtenus avec cette stratégie sont prometteurs. « En utilisant certains cocktails de molécules, on parvient à réactiver les réservoirs viraux latents de plus de 90% des patients », révèle le chercheur. Dans le cadre d’un consortium européen de laboratoires et d’hôpitaux intitulé EU4HIVCURE, l’équipe espère désormais obtenir des financements pour mener des essais cliniques sur des patients. « Ce qui nous fait croire qu’on peut développer un traitement curatif, c’est que les individus qui contrôlent naturellement le virus ont des niveaux de réservoirs très faibles, souligne Olivier Rohr. En activant puis en détruisant les réservoirs viraux, on peut donc espérer, in fine, amener les patients à contrôler le VIH sans aide médicamenteuse. »

Ronan Rousseau

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