Pour leur journée d’étude annuelle, Michel Koebel et William Gasparini, chercheurs en Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives), ont décidé de se pencher sur la place des femmes dans les activités physiques et sportives. Un domaine où les discriminations sont exacerbées. Petit tour d’horizon avec Michel Koebel, responsable du master politiques sportives et aménagement des territoires.
05/03/2019
« Plus on descend dans la hiérarchie, plus il y a de femmes »
Michel Koebel s’intéresse notamment à l’espace politique local. Lors d’une étude portant sur le sexe des adjoints au maire, le chercheur passe au crible un échantillon de 321 communes de plus de 10 000 habitants de la France entière. Résultat : seuls 25% des adjoints dans le domaine du sport sont des femmes. « Avec l’instauration de la parité, leur intégration est obligatoire mais elles sont souvent reléguées à des domaines peu valorisants comme la petite enfance où elles sont 93%. Le sport, considéré comme un domaine intermédiaire, explique qu’elles y soient tout de même présentes. » Cette faible représentation des femmes se constate également au niveau de la présidence des associations sportives dominée par les hommes (83 % dans le sport contre 69 % en moyenne). « Les femmes sont dans des positions subalternes, plus on descend dans la hiérarchie, plus il y a de femmes. »
Des pratiques genrées
Danse, fitness, gymnastique, équitation, randonnée, certaines pratiques sportives semblent dévolues aux femmes alors que d’autres « plus viriles » comme le football où les femmes sont 6%, le rugby, le tir ou encore les sports de combat sont l’apanage des hommes. « Une sociologue, Christine Mennesson, a travaillé sur le sport masculin pratiqué par des femmes. On s’aperçoit que ces femmes, parce qu’elles pratiquent un sport considéré comme viril, vont être d’autant plus enclines à montrer leurs attributs féminins », explique le chercheur qui s’est livré à une petite observation dans un amphithéâtre de Staps où les filles sont en minorité : « Nous avons remarqué qu’elles avaient toutes des cheveux longs. »
Pas de mixité dans les compétitions sportives « pour protéger les femmes »
Dans le domaine de la compétition, plus masculin, femmes et hommes sont souvent séparés avec des épreuves adaptées. L’argument de cette absence de mixité ? « Il faut protéger les femmes parce qu’en football ou en rugby, les hommes risquent de leur faire mal. Il y a une image infantilisante. » Certains sports montrent tout de même l’exemple. « En badminton et en tennis, des tournois mixtes sont mis en place depuis longtemps et l’équitation est le seul sport dont les épreuves soient totalement mixtes. » Pour les salaires, « la seule activité à l’équilibre est le tennis, dans les autres sports, les femmes ont des salaires inférieurs. »
Côté aménagement du territoire, des espaces de domination
Agrès, parcours urbain … Différents espaces de la ville sont aménagés pour faire du sport. « Mais la plupart des équipements en accès libre sont squattés par des hommes. » Cette faible présence des femmes s’explique aussi par un sentiment d’insécurité renforcé la nuit ou lorsque les équipements se trouvent à l’extérieur de la ville. « Pour faire du sport, elles mettent en place des stratégies collectives comme courir en groupe ou avec un chien. » Autre lieu de domination masculine : les quartiers sensibles où les femmes pratiquent moins le sport même si des initiatives voient le jour. « Un ingénieur, François Vigneau, a créé un espace multisports – le Pitch’One – plus ouvert que les « cages » que l’on voit souvent, et dans lequel on peut pratiquer 8 activités différentes simultanément. Si un groupe d’hommes y fait du football, les femmes peuvent y faire autre chose. Il faut laisser une place aussi importante aux femmes qu’aux hommes », conclut Michel Koebel qui ne manque pas une occasion de sensibiliser ses étudiants.
Marion Riegert
- Rendez-vous le 6 mars 2019 à 9h à la Misha.
- Pour aller plus loin lire aussi notre article : « Quelle place pour les femmes dans le sport ? »
Au programme de la Semaine internationale des droits des femmes
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La troisième édition de la Semaine internationale des droits des femmes proposée par l’Université de Strasbourg se déroule du 6 au 15 mars 2019. Expositions, conférences, stands d'information, retrouvez tout le programme sur notre site.
Témoignage d’une démarche collective, riche des initiatives de tous les acteurs et actrices de l’université autour de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’initiative lancée en 2017 se poursuit sous l’impulsion d’Isabelle Kraus, vice-présidente déléguée Égalité-Parité.