Luc Avérous, chef de l’équipe BioTeam à l’Institut de chimie et procédés pour l'énergie, l'environnement et la santé (ICPEES), développe depuis 20 ans des polymères biosourcés. Avec son équipe, il est parvenu pour la première fois à synthétiser des vitrimères biosourcés, des polymères à base d’imines*. Cette découverte inopinée, parue dans Green Chemistry en février 2019, marque le début d’une nouvelle recherche.
03/06/2019
« Il existe deux grandes catégories de plastiques. Les thermoplastiques, recyclables, que l’on peut faire fondre et réutiliser à nouveau après solidification et les thermodurcissables qui, une fois devenus solides, ne peuvent plus redevenir liquides », souligne Luc Avérous, professeur à l’Ecole européenne de chimie des polymères et matériaux (ECPM). « La structure de ces derniers est un peu comme un filet de pêche. Ils sont plus résistants que les thermoplastiques mais non recyclables », poursuit le chercheur.
Mais il existe une troisième catégorie de plastiques. Inventé par le chercheur Ludwik Liebler en 2011, le terme vitrimère désigne des polymères recyclables, tout aussi résistants que les thermodurcissables. « Et ce grâce à des liaisons fortes au sein de leurs structures qui peuvent se faire et se défaire de manière dynamique », explique le chercheur à l’accent du sud-ouest.
« LA » bonne idée
D’ordinaire, les chimistes du laboratoire utilisent certaines catégories de composés chimiques : des maléimides et des furanes pour former des matériaux adaptables, thermoréversibles. Le but étant de créer des polymères modifiables sous l’action de sollicitations extérieures de type pH ou chaleur, suivant les demandes de leurs partenaires industriels.
« La découverte des vitrimères biosourcés à base d’imines s’est faite un peu par hasard », raconte Luc Avérous. Sébastien Dhers, un des chercheurs en postdoctorat de son équipe, a l’idée un jour de synthétiser des polymères à base d’imines. Souvenirs d’une de ses années de recherches passées au côté de Jean-Marie Lehn qui utilisait ces types de molécules au laboratoire. A la surprise générale, le polymère obtenu possède des caractéristiques de type vitrimère. En un an de travail à peine, leurs résultats ont pu être publiés.
Pour poursuivre ses recherches, Luc Avérous envisage d’utiliser d’autres types d’imines. « Il y a beaucoup d’imines que l’on peut synthétiser à partir de la biomasse ». Mais ne devient pas un vitrimère qui veut. « Ça dépend de la configuration » Et d’un certain facteur chance selon le chercheur. Deux post-doctorants continuent actuellement de travailler sur le sujet. Les vitrimères trouveraient des applications à long terme dans des secteurs comme le bâtiment ou l’automobile. « Pour faire des membranes imperméables sur les toits dans le cadre par exemple de MUTAXIO, le laboratoire commun de recherche crée avec la société Soprema, ou des pièces plastiques pour l’industrie automobile. » Pour l’heure, leur découverte répond aux enjeux environnementaux actuels. « C’est renouvelable, recyclable et adaptable », conclut le chercheur.
Vanessa Narbonne
*L'imine est un groupement chimique caractérisé par une double liaison carbone-azote. Cette structure particulière donne un caractère adaptable et dynamique des vitrimères. Au sein du laboratoire, des vitrimères de type polyimine ont été élaborés à partir de dérivés de sucre simple (fructose) et d’acide gras issus de la biomasse.
Une journée dédiée aux polymères
Plus d'informations
La première journée « Innovations dans les polymères pour l'énergie, l'environnement et la santé », organisée par l’ICPEES aura lieu le 5 juillet 2019 à l’ECPM. Cet événement national permettra d’aborder la recherche en rapport avec les trois grands thèmes de l’institut : l’énergie, l’environnement et la santé. Entièrement gratuit et géré par Luc Avérous, il regroupera les spécialistes du domaine des polymères. Il se tiendra tous les ans vers le début du mois de juillet.