La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative pour laquelle il n’y a aucun traitement curatif. Anne-Laurence Boutillier, chercheuse au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives, est parvenue à restaurer les fonctions de souris génétiquement modifiées présentant une des marques de la maladie à savoir les dégénérescences neurofibrillaires.
23/10/2018
A travers l’observation des mécanismes qui influent l’expression des gènes dans une cellule donnée, l’épigénétique, Anne-Laurence Boutillier cherche à comprendre comment les réseaux neuronaux se forment et comment ils sont altérés dans les pathologies neurodégénératives au niveau moléculaire. « Certaines maladies ne sont pas dues à une mutation et pourtant, on note un changement dans l’expression des gènes. Ceci pourrait être dû à un changement de l’épigénome, c’est à dire un changement dans la manière dont les gènes peuvent ou pas s’exprimer. »
Durant ses recherches, Anne-Laurence Boutillier avait montré qu’une protéine enzymatique appelée CBP (« CREB Binding Protein ») qui agit sur l’épigénome en modifiant les histones par acétylation, était dégradée dans la sclérose latérale amyotrophique, une maladie dégénérative grave et incurable. « Cette enzyme joue un rôle crucial au cours du développement, et un rôle de chef d'orchestre dans la plasticité cérébrale dans le cerveau adulte. »
La rencontre qui va tout changer
A cette époque, par hasard, la chercheuse croise un chercheur indien, Tapas Kundu, lors d’un congrès. Ce dernier montre qu’il y a des molécules capables d’activer cette enzyme et de modifier ainsi l’épigénome. « Nous avons eu l’idée de tester la réactivation de l’enzyme in vivo grâce à ces molécules et de regarder ses effets sur la mémoire. » Résultat : les souris traitées développent une capacité à retenir plus longue. La découverte a fait l’objet d’une publication dans le Journal of Neuroscience.
Forte de ce constat et toujours en collaboration avec le laboratoire indien, la chercheuse décide de s’intéresser aux problèmes épigénétiques induits dans maladie d’Alzheimer. Pour ce faire, elle réalise des tests dans un modèle de souris appelé Tau. Ce dernier, créé par un laboratoire de Lille, surexprime une des marques présente dans la maladie d’Alzheimer à savoir les dégénérescences neurofibrillaires.
Une preuve de concept
Anne-Laurence Boutillier remarque qu’il a une acétylation moindre des histones dans l’hippocampe des souris malades. « Nous avons traité ces souris à l’aide d’une molécule qui active CBP et acétyle les histones. Cela restaure l'activité neuronale, la plasticité et la mémoire chez ce modèle de souris.» Cette découverte apporte une preuve de concept qu’un traitement in vivo avec une molécule activatrice de CBP est possible.
Seul bémol : la molécule se dissout très mal, « il faut la coupler à une nanosphère de carbone pour lui faire passer les membranes cellulaires », explique Anne-Laurence Boutillier qui va poursuivre ses recherches en regardant s’il y a d’autres signatures épigénétiques modifiées chez la souris Alzheimer. « J’aimerais aussi comprendre quelle part joue le vieillissement dans la maladie et étudier les effets des alternatives environnementales comme l’enrichissement social, physique, les stimulations… sur l’épigénome. »
Marion Riegert