Pour tenter de déterminer si les produits laitiers étaient utilisés au néolithique, il y a huit ans, l’unité mixte de recherche Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée – Europe (Archimède) s’associe avec un laboratoire de chimie britannique. Pour la première fois, ils parviennent à identifier et dater des échantillons microscopiques de graisse animale (viande ou lait) piégés dans des poteries. La découverte a été publiée dans Nature.
20/05/2020
« Nous avons envoyé au laboratoire Organic Geochemistry Unit de l’Université de Bristol des céramiques découvertes lors de fouilles dans la région. Leurs parois poreuses permettent à la graisse d’entrer à l’intérieur et d’être ainsi conservée à travers les âges », raconte Christian Jeunesse, chercheur en Préhistoire au sein de l’unité mixte de recherche Archimède, qui travaille sur les produits secondaires d’élevage (produits laitiers, laine de moutons, traction des bovins…) au côté de ses collègues du laboratoire Philippe Lefranc et Anthony Denaire, également co-auteurs de l’article.
Une datation radiocarbone
Cette matière organique piégée dans la céramique est analysée grâce à une datation radiocarbone. Une technique née dans les années 50, améliorée au fil du temps avec la possibilité de travailler avec des quantités de plus en plus faibles de matière. En étudiant les poteries envoyées par nos chercheurs, le laboratoire britannique est parvenu pour la première fois à dater les particules microscopiques de graisse animale conservées dans les parois des céramiques.
Une analyse qui a permis de confirmer, entre autres, qu’il y avait bien de la graisse de lait au néolithique, vers 5 300 avant Jésus-Christ, au début de l’élevage. « L’idée générale était qu’il y avait un décalage entre l’apparition de l’élevage et l’utilisation des produits laitiers. En Europe centrale ce n’est donc pas le cas », résume Christian Jeunesse qui peut ainsi avancer dans l’élaboration d’une chronologie de l’introduction de différentes formes d’exploitation des cheptels animaux.
« Ecrire l’histoire »
La découverte ouvre également la voie à l’analyse de petites quantités de graisses. Une méthode de datation supplémentaire qui va pouvoir être utilisée pour d’autres périodes et dans d’autres contextes. « Par exemple dans une tombe dont les os ne sont pas conservés mais qui contient de la céramique. »
Cette recherche s’inscrit dans le domaine de la paléobiologie, soit le développement d’une étude microscopique dans un cadre archéologique. « En tant qu’archéologues, nous apportons les échantillons et tout ce qui concerne l’expertise archéologique et anthropologique : le contexte historique, la datation présumée, les problématiques historiques… L’objectif final étant d’écrire l’histoire. »
Marion Riegert