Une nouvelle méthode de diagnostic direct de la maladie de Lyme sur des biopsies de peau

15/06/2021

Chaque année en France quelque 60 000 cas de maladie de Lyme, ou borréliose, sont recensés dont 3 000 en Alsace. Cette maladie infectieuse due à une bactérie appelée Borrelia burgdorferi est transmise accidentellement à l’homme par une piqûre de tique Ixodes infectée. Nathalie Boulanger, responsable du groupe Borrelia au sein de l’unité de recherche Virulence bactérienne précoce, s'intéresse à l’interface cutanée dans la transmission de la maladie à travers une méthode de diagnostic direct fondée sur la biopsie de peau.

Actuellement, dans le diagnostic de la maladie de Lyme lors de sa phase disséminée, le diagnostic est principalement indirect et repose sur la sérologie qui n’est pas la preuve d’une infection active. Dans les atteintes cérébrales notamment, il faut avoir recours à l’analyse du liquide cérébrospinal qui nécessite une ponction lombaire. Une fois traités par un antibiotique, certains patients peuvent encore présenter des séquelles inflammatoires rendant difficile l’établissement de la guérison ou non.

« L’interface cutanée est un domaine d’étude très intéressant à investiguer pour comprendre le mode d’inoculation de la bactérie responsable de cette maladie par la tique », précise Nathalie Boulanger qui développe, en collaboration avec l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien, une technique de diagnostic direct de la maladie à travers la détection de protéines de Borrelia dans la peau par spectrométrie de masse, et ce à partir d’une biopsie cutanée. Cette nouvelle technique serait moins invasive que celles existantes.

« Durant nos recherches, réalisées dans le cadre de deux projets, l’un soutenu par un programme Hospitalier de recherche clinique et l’autre par l’Agence nationale de la recherche, nous avons pu mettre en évidence une persistance cutanée de la bactérie dans la peau chez les souris. » Par une approche translationnelle avec les cliniciens, une première preuve de concept de l’efficacité de détection de cette nouvelle technique a été apportée dans le cas du diagnostic précoce, sur 73 patients présentant un érythème migrant.

Réajuster le protocole

Seul problème, le passage du modèle murin à un modèle humain. « Les souris sont euthanasiées avant le prélèvement cutané. Chez l’homme, de la lidocaïne est injectée avant de pratiquer la biopsie pour endormir la zone. Nous nous sommes rendus compte qu’elle tuait les bactéries. Nous avons donc dû réajuster le protocole : au lieu d’analyser directement les biopsies cutanées, elles sont mises en culture au préalable », détaille Nathalie Boulanger.

Dans le cadre d’un second essai clinique, la chercheuse va tester cette méthode dans le cas de diagnostics tardifs, et ainsi voir s’il y a une persistance cutanée de la bactérie chez l’homme au cours du temps en l'absence de traitement antibiotique ou si l’immunité de la peau n’est pas suffisante.  « Il s’agit de patients pour lesquels la maladie est en phase disséminée qui présentent par exemple des douleurs articulaires ou neurologiques. » Pour ce faire, 10 patients de l’hôpital de Strasbourg, ville qui accueille un des cinq centres de référence clinique créé dans le cadre du plan Lyme 2016, vont être recrutés. Ce travail se fait également en collaboration avec le Centre National de Référence Borrelia situé à Strasbourg.

Marion Riegert

Un projet pour analyser l'impact de l'homme sur les populations de tiques

Plus d'informations

La prolifération de la faune sauvage, le changement climatique, la modification de la biodiversité et des écosystèmes forestiers sont autant de phénomènes qui favorisent la prolifération de la tique. Pour les étudier et analyser les pratiques humaines passées qui ont conduit à la présence de la tique dans notre environnement, Nathalie Boulanger a fait une demande de projet Idex avec l'unité mixte de recherche Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe. Il permettra, en collaboration avec des historiens, des sociologues, des scientifiques mais aussi des acteurs locaux : chasseurs, forestiers, agriculteurs… d’étudier différentes zones en Meuse, en Marne ou encore dans les Ardennes. Ce projet se développe dans le cadre d’une « zone atelier » du CNRS. « Nous avons déjà déployé un premier projet en Moselle en collaboration avec le CNRS », souligne la chercheuse qui précise notamment que la disparition des prédateurs dans les forêts et la modification des écosystèmes ont joué un rôle dans la prolifération de la tique via les rongeurs et autres cervidés dont elle se sert pour survivre. Un état des lieux qui permettra de proposer différentes approches efficaces de prévention des piqûres de tique et des maladies associées.

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