Homme de Neandertal, adorateur de Dionysos, bactérie, neurone… Exit morosité, bonjour créativité, pour capter l’attention de leurs étudiants et remotiver leur auditoire, des enseignants-chercheurs de l’Université de Strasbourg décident d’opter pour les cours en ligne déguisés. Un phénomène nouveau qui fait des émules.
01/04/2021
Good to know
[Spécial 1er avril] Si les chercheurs et leurs travaux sont bien réels, tous les faits relatés ci-dessous relèvent de la fiction. Mais qui sait, l'idée fera peut-être tout de même des émules...
« Mardi dernier, lors de mon cours sur l’histoire de l’alimentation, j’ai découvert à la caméra un carré d’herbe, dans un jardin… », raconte encore stupéfaite Emilie, étudiante en master. Quelques secondes plus tard, Joffrey Zoll, chercheur au sein de l’équipe d'accueil Mitochondrie, stress oxydant et protection musculaire, apparait, os sur la tête et pagne de Cro-Magnon sur le dos, trainant un morceau de carcasse de cheval derrière lui.
Après l’avoir soigneusement découpé au silex, il se lance dans une cuisson au feu de bois, sous les yeux médusés de ses élèves. L’occasion de rappeler qu’« il y a 60 000 ans, l’homme de Neandertal se nourrissait essentiellement de viande. Nous avons considérablement changé nos modes de vie en mangeant notamment plus sucré et en faisant moins d’exercice physique, ce qui fragilise notre organisme et mène à certaines pathologies comme l’obésité. »
Orgies et meurtres rituels
Autre discipline, autre ambiance. Corentin Voisin, doctorant au sein de l’unité mixte de recherche Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée - Europe, a lui aussi adopté les cours déguisés. Il y a deux semaines, il décide d’incarner un dévot du culte de Dionysos, dieu du vin et des initiations, pour faire revivre le scandale des Bacchanales, une affaire politico-religieuse. Le tout, lors d’un cours de préparation à l’agrégation.
186 avant notre ère, nous sommes à Rome. « C’est un complot ! Nous avons lâchement été dénoncés au Sénat par une affranchie qui nous accuse de corrompre la jeunesse avec des pratiques odieuses comme les meurtres rituels ou encore les orgies ! », scande le doctorant dans un grec ancien parfait sous-titré en latin pour coller au thème. Il souhaite ainsi redynamiser ses troupes qui « préparent le concours le plus dur de l’enseignement dans des conditions difficiles ! »
La bouche travestie en corps cellulaire
Sourcils rasés, oculaires de microscope peints sur les paupières… Jean-Christophe Cassel, chercheur au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA), mise pour sa part tout sur un maquillage du visage en neurone pour parler de sa physiologie aux étudiants de première année. « Le nez est maquillé en tube optique pointé sur la bouche travestie en corps cellulaire. De chaque narine émerge un objectif », raconte le chercheur joint par téléphone qui pousse le détail jusqu’à la lèvre inférieure. « Un axone en part dont la terminaison s’étale sur le menton où s’agglutinent des boules figurant des vésicules synaptiques. Leur largage, déclenché par un coup de langue (entre deux mots), représente l’exocytose*. »
Déjà ces cours déguisés font des émules. Valérie Geoffroy, enseignant-chercheur au sein de l’équipe Métaux et micro-organismes, est en pleine préparation de son costume de bactérie pour un cours en licence de microbiologie approfondie. « Je vais incarner Pseudomonas, une bactérie que j’étudie pour dépolluer les déchets amiantés. Le plus dur étant de réaliser le flagelle, ce petit filament qui lui permet de se déplacer », glisse la chercheuse qui n’a pas choisi la facilité.
Face à ce phénomène en pleine expansion, l’Université de Strasbourg envisage d’éditer une charte de bonne conduite et d’accompagner les professeurs désireux de se lancer dans l’aventure de la visio déguisée.
Marion Riegert
* L'exocytose est le mécanisme par lequel la cellule libère de grandes biomolécules à travers sa membrane.