18/05/16
Sciences et technologie
Avec la première détection de neutrinos d’origines cosmiques fin 2013 puis, plus récemment, celle des ondes gravitationnelles, l’astrophysique nous réserve encore bien des surprises. L’existence de ces deux messagers venus de l’espace permet d’envisager de nouvelles voies de détections et d’observations des phénomènes célestes à l’œuvre dans notre univers.
À première vue, tout oppose un neutrino cosmique (ou de haute énergie) d’une onde gravitationnelle. Alors que le premier trouve sa place dans la grande famille des particules élémentaires, la deuxième se manifeste sous la forme d’une vibration de l’espace-temps qui se propage à la vitesse de la lumière. Pourtant ces deux émanations cosmiques partagent des origines communes, comme le confirme le physicien Thierry Pradier : « De nombreux phénomènes célestes très violents, comme l’explosion d’une étoile en supernova ou la fusion de deux étoiles à neutrons peuvent produire simultanément des ondes gravitationnelles et des neutrinos. »Et c’est là toute l’importance de leurs récentes découvertes (1).
Une onde gravitationnelle apporte en effet des renseignements sur la nature même de ces brusques mouvements de matière. Un neutrino à haute énergie, contrairement aux autres particules, interagit rarement avec son environnement et voyage en ligne droite. « C’est un indicateur plus précis que les ondes pour déterminer la position d’une source dans le ciel, explique Thierry Pradier, à condition d’en détecter ». Car les deux messagers sont aussi très discrets, et les différents détecteurs enregistrent continuellement des bruits de fond et d’autres signaux non cosmiques.
Détecter des coïncidences pour reconnaitre et localiser un phénomène astrophysique
Avec son équipe de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien, le physicien surveille attentivement le passage de neutrinos de haute énergie sur Terre dans le cadre de l’expérience Antares, un réseau de capteurs déployé à 2500 mètres de profondeur en mer Méditerranée. Pour compléter ses analyses, il s’est très vite intéressé aux coïncidences temporelles entre neutrinos et ondes gravitationnelles. « En 2009, nous avons initié un accord d’échanges de données avec nos collègues des interféromètres gravitationnels Ligo et Virgo, situés aux États-Unis et en Italie. » Depuis, les chercheurs du groupe de travail GWHEN (2) croisent et comparent leurs investigations dans le but de reconnaitre des couples gravitationnels/neutriniques d’origines cosmiques.
La détection du premier signal d’ondes gravitationnelles par l’équipe Ligo en septembre dernier confirme l’utilité du partenariat. « Aucune détection de neutrino de haute énergie n’a pu apporter de précision quant à la provenance exacte de ces ondes, admet Thierry Pradier. » Mais cette absence a néanmoins permis aux chercheurs d’estimer la limite théorique du flux de neutrinos émis par la source du signal (fusion de deux trous noirs). En attendant, la recherche continue. « De telles coïncidences nous permettraient d’identifier la nature et la position d’évènements astrophysiques avec une plus grande précision que seul l’un des deux messagers, confirme le chercheur. On pourrait alors pointer les télescopes et satellites d’observation directement vers ces sources et, pourquoi pas, découvrir des phénomènes célestes encore inconnus. »
Guillaume Thépot
(1) En novembre 2013, le détecteur Ice Cube, enfoui en Antarctique, révélait la détection de 28 neutrinos d’origines cosmiques. Le 14 septembre 2015, les deux interféromètres américains Ligo percevaient pour la première fois une onde gravitationnelle créée par la fusion de deux trous noirs.
(2) Pour « Gravitationnel waves + High energy neutrinos »
- Et aussi à voir ou à revoir le reportage vidéo Les ondes gravitationnelles : un nouveau messager de l'espace