[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : mathématiques. L’épidémie pose des problèmes sanitaires, économiques et sociaux. Pour pallier ces problèmes, une étude basée sur des modèles mathématiques met en avant les avantages d’un confinement alterné. Et ce pour une efficacité égale au confinement actuel. Explications avec Nava Schulmann, chercheuse au sein de l’équipe projet Mimesis de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria).
11/12/2020
Imaginez la population d’un pays séparée en deux groupes soit A et B. La semaine 1, le groupe A est libre de sortir, travailler, faire les courses, aller au restaurant… bref mener une vie normale. La semaine 2, ce dernier est totalement confiné sans possibilité de sortir tandis que le groupe B vit une vie normale. Cette solution proposée par des chercheurs de l’université de Bar-Ilan en Israël, sous la direction Baruch Barzel, permet de faire passer le taux de reproduction du Covid-19 sous le fameux seuil de 1.
« Elle divise par quatre le risque d’être contaminé car chaque personne est active la moitié du temps et ne rencontre que la moitié des personnes qu’elle a l’habitude de croiser. Par ailleurs, le temps d’incubation de la Covid-19 étant long, si la personne sort la première semaine et est contaminée elle ne sera contagieuse que vers la fin de semaine donc au moment où elle entrera en confinement », résume Nava Schulmann, seule française à participer à l’étude.
Une continuité économique
Plus juste, l’alternance proposée, permet également une activité économique régulière, d’au moins 50%, sans distinction de secteurs essentiels et non essentiels. « Par exemple, dans un restaurant, les employés pourraient être là en alternance et le reste du temps gérer des tâches administratives comme la comptabilité. » Sans oublier une continuité sociale et culturelle et un impact psychologique positif.
Pour arriver à ce résultat, les chercheurs sont partis d’une idée théorique. « Nous avons combiné les avantages de deux méthodes aux conséquences catastrophiques : faire comme si de rien était ou confiner », raconte la mathématicienne qui travaille plus précisément sur les simulations numériques. A partir de là, quatre stratégies sont élaborées et comparées : le confinement total, alterné, confiner l’ensemble de la population une semaine sur deux ou encore créer deux groupes, l’un confiné tout le temps et l’autre libre tout le temps.
Des modèles épidémiologiques standards
Des stratégies testées grâce à des modèles épidémiologiques standards supposant une population homogène comprenant les infectés, les guéris et les personnes susceptibles de tomber malades. Les chercheurs ont ensuite amélioré ces modèles en les adaptant aux paramètres de l’épidémie de Covid-19, avec par exemple la prise en compte de la période présymptomatique. Un travail pour modéliser les rencontres entre les différentes personnes de façon plus réaliste est également réalisé.
« C’est là que nous avons remarqué que le confinement alterné entre deux groupes cassait la courbe des malades et présentait des résultats satisfaisants sur tous les plans contrairement aux autres stratégies. » Reste à pouvoir l’appliquer à grande échelle. « Lors de la première vague, 10 gouvernements avaient contacté Baruch Barzel mais aucun n’a relevé le défi du confinement alterné au niveau national. Il y a eu des mises en place au niveau local, des écoles ou des entreprises. »
Marion Riegert
Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19
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Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.