[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : Pédagogie. Durant le confinement, Jean-Luc Denny, chercheur en théories de l’activité au Laboratoire interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication, décide de suivre sept étudiants. Son objectif ? Déterminer leur expérience d’apprentissage durant cette période afin notamment de pouvoir réinterroger les pratiques des enseignants.
30/09/2020
« J’ai voulu recueillir le point de vue des étudiants en situation pour qu'il soit le plus proche possible de leur expérience », souligne d’emblée le chercheur qui réalise son étude intégralement en visioconférence, une première pour lui. Soit sept étudiants, âgés de 19 à 27 ans, en licence 2 sciences de l’éducation inscrits dans un projet de préprofessionnalisation. « Je voulais un groupe qui se connaisse bien », glisse Jean-Luc Denny.
L’étude débute après un mois de confinement, le temps que le distanciel se mette en place. Au programme, sur neuf jours, deux focus groupe réunissant tous les étudiants au début et à la fin de l’étude et un entretien individuel pour chacun. Deux enjeux pour le chercheur : comprendre l’expérience d’apprentissage des étudiants, qu’est-ce qu’ils en ont retiré ? Mais aussi produire des résultats pour enrichir les pratiques des enseignants de l’université dans le domaine de l’enseignement à distance. Sans oublier de les documenter en cas de reconfinement. Avec une limite : « L’étude porte sur des étudiants ayant un projet professionnel. Je postule que pour ceux qui n’étaient pas en situation de projet il y a pu avoir du décrochage. »
Faire émerger la singularité des points de vue
Question du rapport au savoir, aux amis, au téléphone… durant les entretiens, Jean-Luc Denny met l’accent sur la subjectivité. « Ce n’est pas le consensus qui m’intéresse, l’intérêt étant de faire émerger la singularité des points de vue en utilisant la démarche ergologique, sans rien induire. »
Résultat : certains étudiants se rendent compte qu’ils sont plus attentifs lors de cours en visioconférence. « Dans l’amphi, l’enseignant est loin, il y a plein de distractions. » L’occasion aussi de tordre le cou à des présupposés. « Côté enseignants, nous avons tendance à penser que le travail à la maison produit des notes élevées car jugé plus simple. Il en ressort l’inverse, pour les étudiants l’apprentissage par cœur est plus facile contrairement aux productions à la maison nécessitant un travail de recherche et de reformulation. »
Un apprentissage en phase avec leur manière d’être
Ils trouvent également l’apprentissage à la maison plus en phase avec leur manière d’être grâce à des contenus diversifiés, plus denses et interactifs comme des quizz, des diaporamas commentés et autres capsules vidéo… « A la faculté, il y a le temps d’installation, il peut y avoir des problèmes techniques, c’est un rythme lent. » Autre constat : l’engagement de l’enseignant dans son cours et sa mise en œuvre est récompensé par celui de l’étudiant. Sans oublier l’expérience de l’autonomie avec un passage du prescrit à l’auto-prescrit.
Avec des bémols tout de même et notamment une difficulté à identifier les points importants à retenir. « Les étudiants ont eu beaucoup de connaissances et tout à un niveau équivalent. » L’étude fait également prendre conscience à Jean-Luc Denny que les professeurs, lui inclus, ont peu donné de temps de parole au vécu des apprenants. « Il n’y a pas eu de débriefing, si bien que nous sommes passés à côté de l’identification de nouvelles compétences développées par les étudiants pendant le confinement. »
Marion Riegert
Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19
Plus d'informations
Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.