Dans le cadre d’une journée d’étude consacrée au droit des peuples autochtones en Amérique latine, Sandra Sua, doctorante, revient sur le droit à la propriété collective et son lien avec la protection de l’environnement.
19/04/2018
Doctorante en cinquième année de thèse au sein du laboratoire Sage (Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe), Sandra Sua travaille sur le droit comparé et plus précisément celui de l’environnement. Ses recherches portent sur l’accès à la justice en cas d’atteinte à l’environnement, et notamment le cas des hydrocarbures. Cette Colombienne d’origine explore cette thématique sur les terres d’Amérique latine. Lors de la journée d’étude prévue à la Misha elle présente plus particulièrement le droit à la propriété collective du territoire dans le système interaméricain.
« La terre n’appartient pas à une seule personne »
« La propriété collective, c’est l’idée que la terre n’appartient pas à une seule personne. En France ce serait l’exemple du mode de vie que les zadistes ont déjà mis en place. » Pour sa présentation, la juriste a planché sur huit peuples parmi lesquels la communauté Mayagna vivant au Nicaragua. Ces peuples autochtones sont protégés par la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui reconnait leur lien particulier avec la terre. Une terre qu’ils habitaient déjà avant l’existence des premiers états. « La propriété collective permet ainsi de reconnaître le droit coutumier des peuples et leur droit à l’identité culturelle. «
« En même temps qu’elle reconnait le droit à la propriété collective, la Cour interaméricaine reconnait le droit aux ressources naturelles. Elle oblige également les états, en consultation avec les peuples, à leur définir un périmètre », souligne la doctorante. Problème, « certains états comme le Suriname dont 85% de la richesse est basée sur l’exploitation des ressources ne reconnait pas dans son intégralité le droit à la propriété collective. On observe un peu partout une violation systématique du droit des peuples et les états accordent des concessions d’exploitation sans même les consulter. »
Les peuples autochtones font évoluer le droit international
Quand le droit est violé, la Cour interaméricaine, qui n’a pas de compétence pour juger la responsabilité de certains états du continent américain comme les Etats-Unis, peut faire des injonctions aux états pour qu’ils créent des mécanismes permettant d’assurer les droits. Elle peut également les condamner à payer des indemnisations, mais la procédure est extrêmement longue.
Quel lien entre le droit des peuples et l’environnement ? « Souvent, les projets d’exploitation massive de l’environnement sont établis dans des territoires collectifs. Reconnaitre le droit des peuples permet de limiter cette exploitation », explique Sandra Sua qui a également choisi l’exemple des peuples autochtones pour montrer que certains concepts de droit classique doivent être réanalysés. « Les peuples autochtones font évoluer le droit international qui ne se réduit pas aux états et aux individus. Il y a des gens qui vivent de manière différente par rapport à la société de consommation : comment les protéger ? Est-ce qu’ils n’ont pas le droit au droit ? »
Marion Riegert
Pour aller plus loin, lire aussi « Le changement climatique chez les Q’eros »
Une journée d’étude sur le droit des peuples autochtones
Good to know
Une journée d’étude « Amérique latine : ethnographie et débats autour des droits des peuples autochtones », a lieu le vendredi 20 avril à la Misha de 9h30 à 16h30. Droits autochtones et gouvernement ethnique, écologisation et standardisation des mythes traditionnels. L’eau comme levier de production de l’autochtonie wayuu… cinq intervenants présenteront tour à tour leur recherche.