Anna Rosławska et Guillaume Schull, chercheurs au département Surfaces et interfaces de l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS) sont parvenus à reproduire avec un système modèle composé de trois pigments ( des molécules organiques) le transfert d’énergie à l’œuvre dans la photosynthèse des végétaux.
18/06/2021
L’équipe de Guillaume Schull travaille à l’échelle de la molécule unique. Dans ce cadre, elle a été amenée à sonder un système lié à la photosynthèse. Une première pour le chercheur. « Je ne connaissais pas du tout ce domaine et j’ai trouvé fascinant de voir comment, lors de la photosynthèse, les feuilles des plantes absorbent l’énergie solaire pour la transformer en énergie chimique. L’intérêt étant à terme de comprendre comment l’énergie peut être transférée depuis les zones collectrices de lumière jusqu’à celle chargée de l’utiliser, de manière aussi efficace. »
Durant ce processus, un pigment de la feuille capte le photon qui saute de pigment en pigment jusqu’au centre réactif de la plante où il est transformé en électron et donc en énergie. Ce moment durant lequel l’énergie se déplace d’un pigment à l’autre, reste mystérieux pour les chercheurs qui soupçonnent des phénomènes dits cohérents, propres à la physique quantique.
Une photosynthèse à l’envers
Pour avancer dans sa compréhension, Guillaume Schull et son équipe ont reproduit la photosynthèse « à l’envers », en utilisant des électrons, faciles à manier, plutôt que des photons comme source d’excitation : « Nous avons excité le pigment d’entrée avec un courant électrique et avons pu observer le transfert de cette excitation via le second pigment jusqu’au troisième qui l’a transformé en photon », détaille Guillaume Schull qui a pu ainsi reproduire à l’aide de trois pigments seulement, manipulés par microscopie à effet tunnel et fournis par des chercheurs de Besançon, le transfert d'énergie opéré dans la plante.
« Nous avons pu notamment recréer un effet d’« escalier », où l’énergie est transmise de molécules en molécules en fonction de leur capacité à absorber des photons de grande (haute marche de l’escalier) ou plus petite (basse marche de l’escalier) énergie. Ces sauts d’énergie successifs peuvent être entravés ou au contraire facilités par la présence de pigments intermédiaires. C’est le rôle crucial de ces pigments que notre expérience met en avant. »
Des composants synthétiques inspirés de la nature
Les expériences réalisées suggèrent également que deux mécanismes interviennent dans le processus de transfert d’énergie. « Sans qu’il nous ait été possible, pour le moment, de déterminer avec précision le poids respectif de chacun », souligne Guillaume Schull qui précise que « le premier est purement quantique et correspond à un effet tunnel intervenant à très courte distance entre les pigments. Le second correspond à un effet dipôle-dipôle qui continue d’être efficace à plus grande distance. »
L’idée est maintenant d’aller plus loin dans l’imitation de la structure de la plante, en incluant un plus grand nombre de pigments et une organisation en forme d’anneaux. « En comprenant comment la nature opère, nous pourrions réaliser des composants synthétiques plus efficaces permettant de mieux utiliser l’énergie solaire », conclut le chercheur.
Marion Riegert
- Retrouvez l'article paru dans Nature Chemistry
- Pour aller plus loin sur les travaux de Guillaume Schull lire aussi : "Faire rougir une molécule en lui volant son électron".