Figurant en bonne place parmi les troubles de l’infertilité, les mécanismes de transmission du syndrome des ovaires polykystiques restaient méconnus. Des chercheurs des universités de Lille et de Strasbourg ont mis en évidence le rôle de l’épigénétique dans la transmission de la maladie de mère en fille. Une étude qui ouvre la voie à de nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques.
26/03/2021
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est caractérisé par une production excessive d’hormones masculines, la testostérone, des troubles de l’ovulation responsables d’infertilité, et des ovaires d’aspect anormal. Un surpoids ou un diabète de type 2 touchent 50% des femmes concernées. Le syndrome possède une forte composante héréditaire, « entre 60 à 70% des filles nées de mères atteintes d’un SOPK développent des symptômes », explique Paolo Giacobini, chercheur au laboratoire Neuroscience et cognition (Université de Lille / Inserm), qui publie en 2018 une étude dans laquelle il propose des modèles de souris présentant le SOPK.
Les femmes touchées par la maladie ont également un niveau d’hormones anti-mülleriennes (AMH) élevé. Présentes dès les premières semaines de la gestation, cette hormone joue un rôle clé dans la formation des organes sexuels de l'enfant à naître. « Nous avons exposé les souris à un excès d’AMH. Les animaux ont ensuite été croisés sur trois générations. À chaque génération, toutes les femelles présentaient les symptômes caractéristiques du SOPK : un taux élevé de testostérone, une infertilité en rapport avec des troubles de l’ovulation et des désordres métaboliques. » Reste à trouver l’origine de cette transmission.
Des signatures épigénétiques mises en évidence
Paolo Giacobini décide d’explorer la piste de l’épigénétique* déjà évoquée dans de précédentes études. Pour ce faire, il se tourne vers Anne-Laurence Boutillier, chercheuse au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA) (Université de Strasbourg / CNRS). « Nous savons que les modifications épigénétiques influencent la transcription des gènes. Elles peuvent être permissives ou bloquer certaines transcriptions », détaille Anne-Laurence Boutillier qui analyse les gènes présents dans les ovaires des souris de troisième génération.
« Nous avons mis en évidence une signature épigénétique dans les ovaires de souris atteintes du SOPK : une baisse de la méthylation de l’ADN sur certains gènes, qui est retrouvée à la troisième génération. » Pour la restaurer, un donneur de groupe méthyle, la S-adénosylméthionine (SAM), est administré à la souris durant deux semaines. Les chercheurs notent alors un rétablissement du taux de testostérone et de l’ovulation ouvrant ainsi de nouvelles pistes thérapeutiques. L’équipe a ensuite analysé des échantillons de sang de patientes atteintes du SOPK dans lesquelles, de façon remarquable, ils ont retrouvé les signatures épigénétiques mises en évidence chez les souris malades.
Détecter d’éventuels effets secondaires
Prochaines étapes : étudier les effets à plus long terme de ce traitement sur la souris pour détecter d’éventuels effets secondaires et s’intéresser aux modifications épigénétiques dans le cerveau. « Les modifications épigénétiques jouent un rôle important dans différentes fonctions de l’organisme et peuvent changer l’expression de nombreux gènes, avec un risque potentiel d’effets indésirables », souligne Paolo Giacobini qui préfère rester prudent.
Les biomarqueurs détectables dans le sang pourraient quant à eux servir de signature diagnostique pour dépister précocement les filles à risque familial de SOPK, avant leur puberté. « Pour le moment, ils ont été mis en évidence sur une trentaine de patientes, il faudra élargir à une cohorte plus grande pour confirmer nos observations », concluent Anne-Laurence Boutillier et Paolo Giacobini.
Marion Riegert
* L’épigénétique concerne ce qui est relatif à l'hérédité de caractères, de modifications, d'informations qui ne sont pas portés par les gènes. (Définition du Robert)
- Retrouvez l'article paru dans Cell Metabolism.
- Pour aller plus loin sur les travaux d'Anne-Laurence Boutillier, lire aussi notre article : "Une activité neuronale restaurée chez des souris Alzheimer."