Coté littéraire, Bertrand Marquer s’est penché sur la littérature de l’estomac au 19e siècle. Un projet pour lequel il a obtenu une délégation à l’Institut universitaire de France (2015-2020). Dernièrement, il a donné une conférence intitulée "L'estomac : un second cerveau ? Littérature et diététique au 19e siècle", au Palais universitaire dans le cadre des événements organisés par le Jardin des sciences.
Le chercheur utilise comme point de départ une citation extraite du roman de Balzac, « Le Cousin Pons (1847) », évoquant l’estomac comme un « second cerveau ». Pour Bertrand Marquer qui se plait à faire dialoguer discours littéraire et scientifique, Balzac joue sur les deux sens de l’estomac perçu comme centre nerveux ou comme centre de la digestion. Pour reprendre une formule du médecin Pierre-Jean-Georges Cabanis (1802), « on a tendance à considérer que le cerveau digère les impressions comme l’estomac digère les aliments », explique le chercheur qui parle d’une forme d’analogie permettant de montrer l’influence de la digestion sur la pensée.
Une bonne digestion est garante d’une bonne production
Cette valorisation de l’estomac au 19e siècle répond à une volonté idéologique mais aussi politique. L’estomac devient ainsi une incarnation du nouvel ordre politique caractérisé par la montée de la bourgeoisie. « Avec la révolution, le roi est décapité. Cette représentation politique périmée est remplacée par une représentation biologique dans laquelle l’estomac est la nouvelle tête du corps politique », détaille le conférencier. La gastronomie, qui couvre au 19e siècle un vaste champ de sujets, devient ainsi la pièce maitresse dans l’affirmation politique de la bourgeoisie.
L’estomac est également lié à ce que l’on pourrait appeler une diététique de la création. « En fonction de ce que l’on mange, on va produire une œuvre différente. Les médecins vont souvent associer le fait de mal digérer à la "maladie des gens de lettres".» Certains scientifiques vont jusqu’à se servir de l’argument digestif pour évaluer les œuvres des artistes ou disqualifier tel ou tel écrivain. Une bonne digestion étant garante d’une bonne production…
Marion Riegert
Good to know
Bertrand Marquer (42 ans) enseigne la littérature française du 19e siècle à l'Université de Strasbourg. Il est membre de l'EA 1337 "Configurations littéraires". Ses recherches portent sur l’imaginaire scientifique au 19e siècle et son impact littéraire. En 2015, il a obtenu une délégation à l'Institut Universitaire de France pour ses recherches sur la "littérature de l'estomac", recherches qui portent sur un vaste ensemble d'oeuvres de fiction, d'écrits scientifiques et gastronomiques.